Gouverner et moderniser la France
Au cœur des Trente-Glorieuses
Si le premier passage du général de Gaulle à la tête du gouvernement (1944-1946) avait été marqué par l’urgence de la Libération du territoire et les débuts de la reconstruction de l’économie française, avec l’appui du ministre de l’Economie Pierre Mendès France, les premières années de la Ve République (1958-1969) s’inscrivent, elles, dans les Trente-Glorieuses : la croissance annuelle de l’économie dépasse les 5% annuels, et toutes les catégories socio-professionnelles voient leurs revenus progresser de manière sensible. Tout au long de ses deux mandats à l’Elysée, le Général conserve auprès des Français une côte de popularité importante, jamais inférieure à 53% des sondés et le plus souvent bien supérieure.
Cependant, les fruits de cette croissance ne sont pas entièrement redistribués en pouvoir d’achat aux français. Au contraire, le Général s’oppose à toute politique financée par le déficit, considérant qu’il s’agit là d’une question de souveraineté : entre 1963 et 1965, Valéry Giscard d’Estaing, ministre de l’Economie et des Finances, met en place un plan de stabilisation, en dépit de certains mouvements de protestation (grève des mineurs de 1963). Ce n’est qu’après 1966 qu’une politique de relance sera menée. D’autre part, cette richesse sert à financer des programmes coûteux mais nécessaires au maintien du « rang » de la France dans le monde, comme le programme nucléaire.
La modernisation du pays passe également par l’ « ardente obligation » du plan et par la mise en œuvre d’une politique de décentralisation : création des régions de programme, avec à leur tête un préfet et une CODER (Commission de Développement régional), et création en 1963 de la DATAR, Direction interministérielle à l’Aménagement du territoire et à l’Attractivité régionale, dont le Général confie la direction à l’un de ses proches, Olivier Guichard. Il s’agit de déconcentrer l’Etat, de rapprocher le pouvoir des citoyens.
L’intervention de l’Etat dans l’économie
Pour le général de Gaulle, l’Etat doit conserver une implication dans les domaines économiques relevant de la souveraineté nationale, comme par exemple l’armement ou l’approvisionnement énergétique. Il favorise ainsi la création d’entreprises nationales dans ces domaines jugés vitaux. C’est par exemple le cas dans le domaine de l’approvisionnement énergétique : en 1967, le regroupement de trois sociétés conduit à la création d’Elf Aquitaine, entreprise où l’Etat détient des parts majoritaires, et dont le premier président est Pierre Guillaumat, ancien ministre de la Défense dans le gouvernement de 1958.
Par ailleurs, le Général se montre soucieux d’encourager les industries d’avenir. C’est d’abord le cas des industries aéronautiques, puisque les programmes Concorde et Airbus sont lancés dans la seconde moitié des années 1960. Le Centre national d’Etudes spatiales (CNES) est créé en 1961, et coordonne le lancement du premier satellite français, Diamant A, en 1965. Enfin, la période gaullienne constitue un moment décisif dans le développement de l’informatique en France. En 1965, l’Etat s’oppose au rachat par une société américaine de la seule entreprise française dans le domaine, Bull, et en 1967 est lancé le plan Calcul : une Compagnie internationale pour l’Informatique est créée, auprès de laquelle les institutions publiques et semi-publiques sont invitées à passer leurs commandes.
Vidéos
Charles de Gaulle-Paroles publiques (INA/Fondation Charles de Gaulle)
Allocution prononcée lors de l’inauguration de l’usine marémotrice de la Rance
Bibliographie
- Bertrand Jacky, Politique économique et sociale : 1944-1969 les années de Gaulle, Paris, Eyrolles, 1992
- Feiertag Eric, Wilfrid Baumgartner : un grand commis des finances à la croisée des pouvoirs 1902-1978, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2006
- Fondation Charles de Gaulle, La politique économique et financière du général de Gaulle : 1958-1969, 2005
- Kocher-Marboeuf Eric, Le Patricien et le Général : Jean-Marcel Jeanneney et Charles de Gaulle, 1958-1969, Comité pour l’histoire économique et financière, 2003