La vie du général de Gaulle au jour le jour du 15 au 20 juin 1940

15 juin 1940

 10 h : Le général de Gaulle arrive à Rennes et se rend à l’hôtel de la Xe Région militaire pour y rencontrer le général Atmayer, le général Guitry et le préfet d’Ille-et-Vilaine. Il leur confirme les directives antérieures.

Après une halte à Paimpont et à Carantec où résident respectivement sa mère et son épouse et ses filles, le général de Gaulle arrive à Brest. Il rencontre, à la Préfecture maritime l’amiral Traub, préfet maritime et l’amiral de Laborde, commandant en chef du théâtre d’opérations Ouest. Ils étudient ensemble les possibilités de faire embarquer le plus grand nombre d’effectifs possibles dans les ports de Bretagne.

Vers 16h 30, le général de Gaulle quitte Brest pour Plymouth à bord du contre-torpilleur Milan.

16 juin 1940

A Bordeaux, en fin de matinée, réunion du Conseil des ministres. Les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale se prononcent pour la continuation de la lutte en Afrique du Nord. Favorable à une demande d’armistice immédiate, le maréchal Pétain menace de démissionner. Paul Reynaud vient d’interroger l’Angleterre sur le point de savoir si elle accepterait une demande séparée d’armistice de la part de la France et souhaite avoir sa réponse avant de prendre une initiative. La séance est levée et une nouvelle réunion est prévue à 17 heures.

Arrivé à Londres tôt dans la matinée, le général de Gaulle s’installe à l’hôtel Hyde Park. Il y reçoit l’ambassadeur de France, Charles Corbin et Jean Monnet, président du Comité franco-britannique de coordination pour les achats. Ces derniers l’informent du télégramme du gouvernement français aux autorités britanniques leur demandant de délier la France de l’accord du 28 mars et lui présente un projet d’union franco-britannique, prévoyant la fusion des pouvoirs publics et des armées et la mise en commun des ressources des deux pays. Le général de Gaulle écrit dans ses Mémoires de guerre :

« J’examinai le texte qui m’était apporté. Il m’apparut aussitôt que ce qu’il avait de grandiose excluait, de toute manière, une réalisation rapide. Il sautait aux yeux, qu’on ne pouvait, en vertu d’un échange de notes, fondre ensemble, même en principe, l’Angleterre et la France, avec leurs institutions, leurs intérêts, leurs Empires, à supposer que ce fût souhaitable… mais dans l’offre que le gouvernement britannique adressait au nôtre, il y aurait une manifestation de solidarité qui pourrait revêtir une réelle signification. Surtout, je pensai, comme MM Corbin et Monnet, que le projet était de nature à apporter à M. Paul Reynaud, dans la crise ultime où il était plongé, un élément de réconfort et, vis-à-vis de ses ministres, un argument de ténacité ».

Vers 10 h, le général de Gaulle a un bref entretien avec Churchill avant le Conseil de cabinet britannique au cours duquel devait être examinée la réponse à donner au message de Reynaud de la veille. A la suite de cet entretien, le général de Gaulle téléphone à Paul Reynaud depuis le bureau de Jean Monnet pour le mettre au courant du projet d’union franco-britannique.

Le général de Gaulle déjeune avec Winston Churchill en compagnie de Charles Corbin au Carlton Club puis ils l’accompagnent 10 Downing Street où, à 15 h, doit se dérouler une réunion du cabinet de guerre qui doit ratifier le texte du projet d’union franco-britannique.

A 16 h 30, le général de Gaulle téléphone à Paul Reynaud et lui dicte le texte de la déclaration approuvée par le Cabinet de guerre britannique. Churchill participe à la conversation téléphonique et il convient avec Paul Reynaud de le retrouver le lendemain à Concarneau pour proclamer l’union franco-britannique. A Bordeaux, le conseil des ministres de 17 heures rejette la proposition d’union franco-britannique. Reynaud met un terme aux débats vers 20 h. Après s’être entretenu avec A. Lebrun, il présente sa démission vers 22 h. Vers 23h, le président de la République confie au maréchal Pétain la mission de former un nouveau gouvernement

 Revenu à Bordeaux, le général de Gaulle s’entretient avec Reynaud peu après 23 h. De Gaulle écrit dans ses Mémoires de guerre : « C’était un spectacle tragique qu’offrait cette grande valeur injustement broyée par des événements excessifs […] Pour ressaisir les rênes, il eût fallu s’arracher au tourbillon, passer en Afrique, tout reprendre à partir de là… Mais cela impliquait des mesures extrêmes : changer le haut-commandement, renvoyer le Maréchal et la moitié des ministres… se résigner à l’occupation totale de la métropole, bref, dans une situation sans précédent, sortir à tous risques du cadre et du processus ordinaire ».

Dans la nuit, le général de Gaulle rencontre l’ambassadeur de Grande-Bretagne à l’hôtel Montré et lui fait part de son désir de retourner en Angleterre. Le général Spears, qui assiste à l’entretien, avertit immédiatement Churchill et propose de ramener le général de Gaulle dès le lendemain à Londres. Churchill donne immédiatement son accord.

 

17 juin 1940

Accompagné du lieutenant Geoffroy de Courcel et du général Spears, le général de Gaulle s’envole de Bordeaux pour l’Angleterre. Arrivé à Londres, il s’installe aussitôt dans un appartement prêté par Jean Laurent au 6 Seymour Place près de Hyde Park. En début d’après-midi, il s’entretient avec Winston Churchill et lui fait part de sa volonté de poursuivre le combat. Dans les Mémoires de guerre, il écrit : « La première chose à faire était de hisser ls couleurs. La radio s’offrait pour cela… J’exposai mes intentions à M. Winston Churchill. Naufragé de la désolation sur les rivages de l’Angleterre, qu’aurai-je pu faire sans son concours ? Il me le donna tout de suite et mit, pour commencer, la BBC à ma disposition. Nous convînmes que je l’utiliserais lorsque le gouvernement Pétain aurait demandé l’armistice ».

A Bordeaux, le maréchal Pétain, nouveau président du Conseil, s’adresse aux Français à 12h 30. Il déclare « qu’il faut cesser le combat » et qu’il s’est adressé la nuit précédente à « l’adversaire » pour le solliciter de rechercher « entre soldats, après la lutte et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme au hostilités ». La nouvelle parvient à Londres en fin d’après-midi.

18 juin 1940

Dès 8h à Seymour Place, le général de Gaulle commence à rédiger le texte qu’il lira à la BBC dans la soirée. Dans la pièce voisine, Geoffroy de Courcel cherche une secrétaire.

A 9 h. Geoffroy de Courcel téléphone à Elisabeth de Miribel, une de ses amies, qui est attachée à la mission franco-britannique. Elle accepte de prendre en charge le secrétariat du général de Gaulle.

A 12h, Elisabeth de Miribel arrive au 6 Seymour Place.

A 12h 30, le général de Gaulle et Geoffroy de Courcel partent déjeuner avec le ministre de l’Information britannique, Duff Cooper. Elisabeth de Miribel commence à dactylographier les feuillets manuscrits du Général.

A 15 h, De Gaulle et Courcel sont de retour à Seymour Place. Le Général corrige et remanie son texte.

A 16h 30, Elisabeth de Miribel dactylographie le texte final. Tous quittent Seymour Place en taxi. Après avoir déposé Elisabeth de Miribel chez elle, le général de Gaulle et Geoffroy de Courcel arrivent à la BBC à 17 h 30, où les accueillent le général Spears et deux collaborateurs de la BBC, Elisabeth Barker et Patrick Smith. Ils conduisent le général de Gaulle au studio d’où il lance son appel à 18 h.

19 juin 1940

A 6 h, un planton motocycliste français remet à Geoffroy de Courcel un pli pour le général de Gaulle : le général Weygand, nouveau ministre de la Guerre donne l’ordre au général de Gaulle de regagner la France. « Télégramme du ministre de la Guerre à Bordeaux à l’attaché militaire français à Londres.  Informez le général de Gaulle qu’il est remis à la disposition du général commandant en chef et qu’il doit rentrer sans délai ».

Dans la matinée, des Français de Londres ayant entendu l’appel de la veille, se présentent au 6 Seymour Place.

A 10h 30, Madame de Gaulle, accompagnée de son fils, ses filles et la gouvernante d’Anne, débarque sur les côtes anglaises.

A 16 h, Elisabeth de Miribel, avec l’aide de deux amies appelées en renfort, expédient plusieurs télégrammes adressés aux communautés françaises à l’étranger et aux généraux Noguès et Mittelhauser. Le général de Gaulle offre de se placer sous leurs ordres pour continuer le combat.

« Télégramme du général de Gaulle à toutes les communautés françaises à l’étranger. Je vous invite à désigner un représentant qui sera directement en rapport avec moi. Télégraphiez-moi nom et qualités de ce représentant. Sympathies ».

« Télégramme du général de Gaulle au général Noguès, commandant e chef sur le théâtre d’opérations de l’Afrique du Nord à Alger. Suis à Londres en contact officieux et direct avec gouvernement britannique. Me tiens à votre disposition, soit pour commander sous vos ordres, soit pour toute démarche qui pourrait vous paraître utile ».  

19 juin 1940

Le général de Gaulle prononce un discours à la radio de Londres

20 juin 1940

Les plénipotentiaires français quittent Bordeaux pour Rethondes où doit être signé l’armistice.

Le général de Gaulle répond au général Weygand :

« Mon Général,

J’ai reçu votre ordre de rentrer en France. Je me suis donc tout de suite enquis du moyen de le faire, car je n’ai, bien entendu, aucune autre résolution que celle de servir en combattant.

Je pense donc venir me présenter à vous dans les vingt-quatre heures si, d’ici là, la capitulation n’a pas été signée.

Au cas où elle le serait, je me joindrais à toute résistance française qui s’organiserait où que ce soit. A Londres, en particulier, il existe des éléments militaires – et sans doute en viendra-t-il d’autres – qui sont résolus à combattre, quoi qu’il arrive dans la Métropole.

Je crois devoir vous dire très simplement que je souhaite pour la France et pour vous, mon Général, que vous sachiez et puissiez échapper au désastre, gagner la France d’outre-mer et poursuivre la guerre. Il n’y a pas actuellement d’armistice possible dans l’honneur.

J’ajoute que mes rapports personnels avec le gouvernement britannique – en particulier avec M. Churchill – pourraient me permettre d’être utile à vous-même ou à toute autre personnalité française qui voudrait se mettre à la tête de la résistance française continuée.

Je vous prie de bien vouloir agréer, mon Général, l’expression de mes sentiments très respectueux et dévoués.

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